Geisha au pays des fusions

Peu après le début de sa vie professionnelle, Geisha rêva de sa nouvelle maison : chambre tendue de soie bleu nuit et quiétude nouvellement acquises : la maison aux frontières voluptueusement définies. Dans le lit, deux places : une pour Geisha, une pour sa sœur d’âme.

Geisha dans sa nouvelle vie professionnelle : à nouvelle vie, nouvelle frontières. Dans la maison, le soyeux bleu nuit est partout à portée de main. Un soir ou une nuit, après la journée de travail, Geisha suivant comme une ombre sa sœur d’âme, se dirige vers le sous-sol. Une fois l’escalier descendu, elle découvre brusquement un grand dénivelé entre la dernière marche de l’escalier menant à la cave et le sol de celle-ci. Comme en écho, l’une des deux jeunes femmes, Geisha ou sa sœur d’âme, franchissent ce dénivelé. L’autre, restée sur l’escalier, attend. Entrevoit seulement un immense espace, où l’autre progresse, là où rien n’est à portée de main ni de vue.

Tout à coup, des pleurs désolés retentissent. Geisha (ce devait être elle qui était restée sur la dernière marche de l’escalier), ressent un profond déchirement en entendant ces sons étreints d’angoisse et de déception. Des pleurs intransitifs pour Geisha qui entend sans voir. Aussi s’approche-t-elle du dénivelé, elle ne foule le sol de la cave que des yeux, car elle est terrifiée. Qu’y a-t-il ? D’affreuses et terrifiantes bestioles ? (Un médecin avait dit à Geisha : «Votre phobie des araignées est due à votre vaginisme». Geisha : «- ??!!… Dans ce cas, à deux ans, je faisais déjà du vaginisme…»). Y aurait-il quelque saleté repoussante ? Pourtant la maison est neuve… Les cadavres des femmes de Barbe-Bleue ? Les sanglots désolés retentissent à mesure que le regard de Geisha, mû par la terreur, avance dans la cave : c’est un endroit très propre, impeccable comme le reste de la maison, très peu d’objets s’y trouvent, quelques menues bricoles ça et là ni sales ni vielles ni effarantes, comme quelques petites cales en polystyrène ou en mousse, quelques cartons dont celui d’emballage pour l’ordinateur de Geisha, tout récemment acheté. Rien de repoussant. Rien.

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