L'odyssée d'une jeune fille

Il lui dit aussi : «Alors, jeune fille, racontez-moi votre Odyssée». Geisha ouvrit de grands yeux étonnés, comme si elle cherchait à voir s’il y avait quelqu’un d’autre dans le bureau à qui pourraient s’appliquer ces paroles, puis elle répondit : «Il n’y a pas de jeune fille, ici». Quelques mois plus tard, l’homme aux Gitanes appela Geisha pour lui annoncer qu’il avait un cancer du poumon. S’il avait le moral dans les chaussettes, il n’en laissait rien paraître. Il plaisanta même Geisha qui offrait ses services pour l’assister dans le règlement de quelques tâches administratives : «Tu entres dans ma vie privée !». Il s’agissait entre autres d’appeler son épouse qui dicterait à Geisha les rendez-vous à annuler. Car l’épouse avait l’agenda professionnel de l’homme, et non Geisha, son assistante. Lorsque l’épouse composait la ligne directe de Geisha (ce numéro était programmé sur le portable de son époux), elle ne se présentait que par son prénom, jouant consciemment le jeu de l’ambiguïté , puisque leur prénom était le même. Peu après l’annonce de la maladie, l’épouse lâcha, au cours d’une de ses conversations téléphoniques avec Geisha : «Au fait, j’espère que je ne parle pas à une de ses maîtresses !», et d’éclater brusquement de rire, comme le faisait son mari après une de ces plaisanteries qu'il décochait quotidiennement à Geisha, telles la flèche de Cupidon. Ce rire raisonna comme une épée en frappant une autre au cours d’un duel. L’épouse fut la première touchée. Alors c’était ça qu’attendait la compagnie : Geisha devait former un duo avec son patron, alias «Manager amoureux», et un duel avec son épouse...

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