Perrette et le pot-au-lait, ou : une geisha à surveiller comme le lait sur le feu

Puis Geisha poursuivit sa tâche de diplomate et envoya à "Manager Amoureux" (qui avait réussi à se faire apporter en clinique son ordinateur portable, par son épouse, et s’était amusé à envoyer quelques messages-surprise à Gesiha, qui se demandait par quel sortilège elle recevait des e-mails blagueurs d’un homme qui venait de refaire une péricardite et était repassé un certain temps en soin intensif sous respiration assistée…), elle envoya, donc, un e-mail ayant pour titre :

«Perrette au Pot au lait et le crémier voulant le beurre, l’argent du beurre et la laitière (Variation 2)

Un jour, le crémier tourna de l’œil alors qu’il faisait son beurre. Le médecin avisé lui conseilla le plus grand repos quelques temps, or ce patient n’était pas précisément la crème des hommes, habitué qu’il était à se lever à 5 heures du matin et à attaquer sa journée de travail deux heures plus tard. Le médecin ne se faisait aucune illusion sur la docilité du patient : ne dit-on pas que les cordonniers sont les plus mal chaussés ? En effet, l’intéressé répondit aigrement que s’il ne battait pas la crème tant qu’elle était fraîche, elle tournerait de l’œil comme lui. Dans ce cas, comment paierait-il le médecin ? Avec du beurre en broche ? Durant une heure, le crémier fit tourner le médecin en bourrique. Ce n’était pas parce qu’il était tombé dans les pommes qu’on allait en faire un fromage, d’ailleurs, la fabrication du fromage, c’est son métier, pas celui du médecin, etc, etc.. Le médecin quitta son patient avec la sensation d’avoir les sangs changés en lait caillé. Il se dirigea alors vers le café le plus proche pour prendre un bon remontant. Tout occupé qu’il était à faire mentalement son choix : scotch ? Beaujolais ? Whisky ? Calva ? qu’est-ce qui ferait passer le mieux ce petit lait ?, il ne vit pas Perrette, apparemment distraite elle aussi, tous deux se heurtèrent et Perrette faillit renverser sur l’infortuné médecin le contenu du grand pot qu’elle portait sur la tête, telle une Africaine dans la brousse. ’Black & White’, sourit le médecin : il avait trouvé sa boisson. Perrette était apparemment préoccupée, bien que légère et court vêtue, marchant-d’-un-pas-léger. Sa peau d’Irlandaise s’irrita au sermon du docteur. Elle ne comprenait pas ce que veaux, vaches, cochons, venaient faire dans le docte serment, et après tout le lait n’avait que failli être renversé. Le médecin, homme sévère mais juste, invita Perrette à prendre un verre pendant qu’il boirait son ‘Black & White’

- Où vous rendiez-vous ? Au marché, sans doute ?
- - Non, à la boutique du crémier, pour lui vendre du lait.

Le docteur eut un léger sourire de connivence : il comprit pourquoi notre ami le crémier mettait tant d’acharnement à vouloir le beurre et l’argent du beurre. Il mit Perrette au courant de l’état de santé du crémier et suggéra qu’ils serait plus sage qu’elle le laissât en paix pour les semaines à venir : ce n’était pas le moment de lui tourner les sangs. Elle pourrait toujours porter son lait au marché : c’était à deux pas et le soleil y donnait à pleins bras ménagères et enfants aussi gourmets que flâneurs. Perrette, rêveuse, mais pourvue de bon sens comme toute bonne fermière – et bonne fermière, elle l’était – Perrette, donc, se dit que le recette inédite du crémier, une crème renversée composition top secret, pouvait bien attendre un peu. Elle partit, toujours de son pas léger, en direction du marché.»

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